AYSD : un poète au cœur des bidonvilles de Moroni

Article : AYSD : un poète au cœur des bidonvilles de Moroni
Crédit:
11 octobre 2010

AYSD : un poète au cœur des bidonvilles de Moroni

Jeune rappeur comorien Rappeur prodige, certes. Fin manipulateur de rimes conscientes, sûrement. La preuve, la voix de ce jeune rimbaldien du rap comorien – qui aime bien vivre dans l’ombre tel un poète maudit du 19ème siècle- a une longue portée. Mayotte, Tanzanie, Moroni, Sarcelle, Plan Dao, ces textes crus qui osent parler de la misère et des déviances des jeunes dans les quartiers, émeuvent et décrassent un large auditoire. Génie à l’état pur, reste le moins qu’on puisse dire de lui, puisque au jour d’aujourd’hui personne n’avance le contraire.

Six heures du matin. Zone rouge. Ainsi, sont baptisés les quartiers Sans-fil et Oasis par AYSD. D’ailleurs, dans ces quartiers, on voue à ce jeune rappeur, qui n’a que 30 ans, une vénération digne d’un parrain d’une mafia sicilienne. Si dans la plupart des quartiers de Moroni, après l’aube, les chaînes stéréo émettent des versets de Coran, dans la Zone Rouge d’aucuns se réveillent au rythme des morceaux de AYSD.

« C’est toujours la même musique, donc çà sera toujours la même danse. A chaque lever de soleil, tu as toujours l’impression que c’est la première matinée de ta vie », nous a-t-il lancé, le jeune rappeur, dès qu’il nous a vu, pour essayer de savoir si nous aussi nous avons remarqué que le mal-être collectif perdure dans ce pays qu’il voit comme « un paradis en enfer ». Cheveux tressés, une de ses deux filles dans les bras, et, sa femme, Queen Hoo, auprès de lui. « J’ai connu le rap à la fin des années 80. Et tout de suite, je suis devenu fanatique. En 1995, avec des potes de mon quartier Irougoudjani, on s’est constitué en groupe. Lyrical Mafia, était son nom. Et « Tout est gouré » fut notre premier tube. »

En effet, au travers de toutes ses chansons AYSD dénonce la mauvaise gouvernance. Surtout, il revendique la dignité de tout un chacun. Dans les bidonvilles de Caltex et Oasis où il vit, la misère crève les yeux. D’ailleurs, selon lui, « si dans ces quartiers les jeunes se sont retournés vers la drogue et le sexe, c’est seulement pour oublier ce qu’ils vivent ». « Bordel », une des chassons qui cartonne en ce moment, ne parle que de cette délinquance tolérée.

« Comme tout le monde, j’ai pris la barque de l’espoir en 2001 pour Mayotte. Dieu merci, j’ai eu la chance que de milliers de gens n’ont pas eu. Paix à leurs âmes. Mais là-bas, je ne suis resté que 9 mois. Je m’étais interdit de voler ou de braquer des maisons comme  certains de mes compatriotes  le font là-bas pour pouvoir survivre », nous a-t-il confié. Toutefois, s’il y a un rappeur qui a fait parler de lui dans l’île Hippocampe, qui était au top, c’est sûrement AYSD.

Dans toutes les fêtes, dans tous les concerts, de la Grande-Terre et de Petite-Terre, le jeune AYSD mettait le feu. Dans les rues, surtout celles de Kavani, Mamoudzou, où il habitait, les bambins fredonnaient à longueur de journée les refrains de ses chansons. Il a appartenu un temps au célèbre groupe de rap de Kavani, Garde Impériale.

Entre 2005 et 2006, il est parti deux fois en Afrique continentale. Et de Tanzanie l’Ouganda, en passant par le Burundi, il a pu découvrir la vraie culture Hip-hop et s’aguerrir auprès de grands noms de la culture rap de ces pays non francophones. D’ailleurs, il y a peu, une de ses chansons « Vungudza mwendo » a été parmi les meilleurs tubes du hit-parade tanzanien.

« Mon rap est une rafale de mitrailleuse contre ces politiques. Et une eau bénite pour les jeunes. J’essaie à l’aide de mes rimes de conscientiser les uns et responsabiliser les autres. Le fait qu’ils m’en veulent ne me fait ni chaud ni froid. Je suis un artiste et je fais mon boulot », a conclu Azad Ali Moustakim alias AYSD, dans l’entretien qu’il nous a accordé.

En tout cas, AYSD persiste et signe dans sa voie. Et tant que les choses n’auront pas changé dans le pays, sa voix se refuse de tarir. Et nous, nous l’engageons de milles feux, car des artistes engagés aux Comores, il n’y en a pas beaucoup, comme on en a connu par le passé à l’exemple de Boule, Abou Chihabi et autres.

 

Partagez

Commentaires