Adjimaël HALIDI

Interview : « La vraie richesse des Comores ce sont les produits de rente »

Venu pour la première fois aux Comores en 1983 pour repartir en 1987, après avoir travaillé pour la société Bambao à Anjouan et à la Grande-Comore, le responsable sur place de la société Huiles Essentielles Comores (HEC), sise à Domoni sur l’île d’Anjouan, et qui est d’origine française, a accepté de répondre à nos questions. Mais pour des raisons personnelles, notre interlocuteur n’a pas souhaité que son nom soit mentionné ici.

ilang-ilang
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No Man’s Land : Comment avez-vous découvert les Comores ? Quelles sont les raisons qui ont motivé votre venue dans l’archipel ?

Le Responsable local HEC : Je suis revenu aux Comores en 2007 pour des raisons professionnelles. Un des actionnaires d’Huiles Essentielles Comores cherchait quelqu’un pour construire une distillerie d’ylang. Et comme on était en contact depuis bien longtemps, il a fait appel à moi. Pour dire que je ne suis pas propriétaire d’Huiles Essentielles Comores comme beaucoup le pensent. Je suis juste salarié.
Les actionnaires de HEC ont pris la décision de construire la distillerie dans laquelle je travaille parce qu’il fut un temps, à Anjouan, toutes les huiles d’ylang étaient frelatées. 55% ont été adultérés.
Ce qui fait qu’on est dans la situation actuelle. La fraude avait pris de l’ampleur, surtout, parce qu’il y avait une pénurie d’essence d’ylang. Et du coup, un beau jour, le commerce s’est arrêté. Les clients ont cessé d’acheter l’essence d’ylang venant d’Anjouan.
Donc, comme il n’était pas facile de trouver de l’ylang en collecte, pour satisfaire les clients, relancer le commerce, il avait fallu distiller l’ylang nous-mêmes.

No Man’s Land : De 1983 à 1987 par rapport à aujourd’hui comment se porte le commerce de l’ylang ?

RLHEC : On est dans une période qui est extrêmement difficile. Et avec les hauts et les bas de la crise mondiale, le marché de l’ylang a globalement baissé. Les clients ont réduit leurs commandes.
Pour ce qui est du marché de l’ylang aux Comores, il faut savoir que de 1983 à 2008, il est passé de 150 tonnes par an à 80 tonnes par an. D’où une baisse de 50%. Mayotte, qui était un grand fournisseur, a représenté la moitié de cette baisse. Elle qui produisait 30 à 35 tonnes par an est passée aujourd’hui à 7 tonnes par an. On ne peut pas être département et produire de l’ylang. Economiquement il n’est pas rentable de produire de l’ylang à Mayotte. Malgré les aides, s’il fallait payer les agriculteurs autour du Smig [salaire minimum garanti] ça s’arrêterait tout de suite. Aujourd’hui les exploitants sont obligés de faire travailler des clandestins. A la Grande-comore, les exploitations sont abandonnées. Et la production qui était de 10 tonnes avant est passée aujourd’hui à 2,3 tonnes. Par contre ce n’est pas trop grave pour Anjouan comme pour l’île malgache de Nosy-Be. Puisqu’Anjouan produit 50 tonnes par an.

No Man’s Land : Au jour d’aujourd’hui les producteurs d’ylang se plaignent que les prix ont baissé. Est-ce que cela est lié aux fluctuations des cours mondiaux ?

RLHEC : Il n’y a pas de cours mondial dans le commerce de l’ylang. Ce n’est pas un produit qui a une cotation boursière. C’est un marché de fournisseur à client. C’est une question de qualité. Il y a beaucoup de variétés de qualité d’ylang. Et chaque qualité a son prix. Je ne peux pas donner les prix actuels. Le marché est inactif depuis 6 mois. On ne vent quasiment plus.


No Man’s Land : Les matières semi-finies vous les acheminez où ? Vers quelles entreprises ?

RLHEC : Les meilleures qualités d’huile comme l’extra-sup et l’extra sont destinées à la parfumerie, à titre d’exemple à la préparation de l’eau de toilette. Et nos clients sont en Europe et aux Etats-Unis. Et les basses qualités sont destinées à la fabrication des lessives et des produits bas de gamme en cosmétique.

No Man’s Land : Ne peut-on pas transformer l’ylang comorien sur place ? En faire un produit fini sur place ?

RLHEC : Les Comores resteront un fournisseur d’ylang. On ne peut pas mettre plus de valeur à l’ylang comorien. On n’utilise pas l’ylang pour faire du parfum. Un parfum a une quantité variable d’alcool. Et dans l’essence d’ylang il y a plus de 50 produits différents. Ce n’est pas jouable. Les firmes qui produisent les parfums sont des grosses entreprises internationales.

No Man’s Land : Les petits distillateurs d’ylang déboisent la forêt pour pouvoir faire fonctionner leurs alambics. Y a-t-il une solution qui puisse éviter le déboisement sans que les petits distillateurs soient lésés ?

RLHEC : Il est facile d’accuser les distillateurs. Pourtant il faut qu’ils mangent. Il faut que chacun travaille et gagne de l’argent. On ne peut pas dire qu’il ne faut pas distiller au bois si on n’a rien à proposer. La solution n’est pas technique. Elle est économique. Il faut de l’argent. Aussi est-il que les distillateurs ne sont pas ouverts à l’idée de progrès. Tout ce qui est nouveau pour eux est difficile. Regardez depuis que je suis là, personne n’est jamais venue me questionner sur comment on fait fonctionner une distillerie INOX.
Même si c’est vrai, le Comorien ne vit pas pour demain. Il y a eu un temps, les distillateurs ont gagné beaucoup d’argent. Ils n’ont jamais pensé renouvelé leur alambic.
Le système à pétrole peut fonctionner partout du moins tant qu’il y a de l’électricité. S’il n’y a pas de courant, le distillateur ne peut pas fonctionner. Le système coûte moins cher que le bois. Mais ce n’est pas le paysan tout seul qui peut le faire. Il doit avoir le soutien de l’Etat puisque je sais qu’il y a des fonds internationaux aujourd’hui pour la protection de l’environnement. L’alambic traditionnel installé, prêt à fonctionner coûte 800 000 FC. Le petit paysan ne pourra jamais se le payer. Il est temps que l’Etat comorien pense acheter comme cela a été fait à Mayotte des alambics Inoxydables. A Mayotte, par l’intermédiaire du Conseil Général de l’île, 15 alambics INOX qui permettent de produire l’ylang aux normes européennes ont été financés par le STABEX (Système de stabilisation des exportations [des produits agricoles] financé par l’Union Européenne).

No Man’s Land : Votre métier a-t-il un avenir dans l’archipel des Comores ?

RLHEC : Il y a un avenir pour l’ylang. A condition de ne pas reproduire les bêtises qui ont été faites à Anjouan auparavant. L’ylang a un avenir étant donné que l’ylang est un produit de base de la parfumerie. Et tant qu’il y aura de la parfumerie, on vendra toujours de l’ylang. Dans 50 ans, l’ylang se vendra encore. La nature a protégé les Comores. Il faut savoir que l’ylang c’est les Comores. La meilleure qualité d’ylang, aujourd’hui, c’est Mayotte. Mais avec la départementalisation, il faut mettre une croix. Dans dix ans, c’est sûr il n’y aura plus d’ylang à Mayotte. Quand les gens sont riches ils ne veulent plus cultiver.
Il ne faut pas s’imaginer que le distillateur de la brousse fait de la mauvaise qualité d’ylang. Il faut faire un effort sur la modernité, mais ce n’est pas la peine de faire du luxe. Les paysans ont, durant ces dernières années, planté beaucoup d’ylang. D’ailleurs c’est la raison pour laquelle aujourd’hui on arrive à en produire 50 à 60 tonnes par an. Maintenant il reste à entretenir ce qu’on a planté malgré la crise. Parce que je sais que d’ici peu la crise va passer.
Il est bon à savoir que la vraie richesse des Comores c’est sont les produits de rente. L’argent des « Je viens » est une fausse richesse. Donc, il est temps que l’Etat comorien s’intéresse à l’agriculture.
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L’ylang l’or des îles de la Lune

L’ylang est une plante importée des Philippines au début du siècle dernier pour reboiser les pentes caillouteuses et les padza .Elle appartient à l’espèce cananga odora var macrophylla. Sa fleur aux reflets d’or et de safran, exhalant une senteur douce et capiteuse, est un ingrédient essentiel pour les parfumeurs du monde entier . Du moins son hexane qui est utilisée pour l’extraction de l’essence. La première distillation des fleurs d’ilang remonte vers 1860 à Manille ,aux Philippines , et est l’œuvre du marin Albert Schwenger. Mais la première production commerciale de l’ylang-ylang à grande échelle sera entreprise par les planteurs des possessions françaises de l’océan Indien pour le compte des parfumeurs français. D’abord à la Réunion, puis à Nosy-Be ( Madagascar) et aux Comores .
Les Comores, malgré la mévente sur le marché international, avec 60 tonnes d’essence d’ylang distillées chaque année sur 100 tonnes au niveau mondiale, reste le premier producteur d’ylang du monde.
« Des pays comme l’île Maurice et le Ghana se sont mis récemment à planter de l’ylang. Mais leur ylang n’est pas de bonne qualité comme celui des Comores » nous a confié le responsable sur place de HEC à Domoni . Pour dire que l’ylang comorien est le meilleur du monde. « On cueille deux fois par mois l’ylang. Mais l’important ce sont les qualités d’essence. Parce que qu’il y a plusieurs qualités après fractionnement du produit eu après distillation : Extra S, Extra première, Seconde et Troisième. Donc les acheteurs nous payent selon le poids et le degré de l’huile » nous a dit Nakibou Souf , un jeune paysan âgé de 38 ans , père de 10 enfants et vivant à Limbi .
Deuxième source de devise pour le pays, l’ylang dont son élaboration et sa commercialisation durent toute l’année, reste, comme les autres produits de rente, le moyen de survie de 80% de paysans comoriens. « Nous, on nous paye pour cueillir l’ylang dans les champs. Nous cueillons l’ylang pendant 6 heures de temps, et on nous paye par kilos. Chaque kilo cueilli, on nous donne 75 fc. Honnêtement pour avoir un kilo de fleurs d’ilang, il faut faire au moins 3 heures de cueillette » nous a confié Makiliko de Mromaji , âgée de 60 ans et mère de 2 enfants . Par ailleurs, il faut compter environ 100 kg de fleurs pour faire 2 kg d’essence.
Même si les paysans ne produisent pas l’ylang comme avant, comme nous a confié Issouf Abdallah de la société Bambao Tropikal , la culture de l’ylang reste le moyen de survie de toute une population voire même l’avenir de tout un archipel .
Selon la note de conjoncture de la Banque centrale de mars 2009 , le prix plancher de vente du kg de fleurs est passé de 150 fc en 2007 à 350fc en 2008. L’on a observé une amélioration du prix de vente d’un degré variant de 1280 et 1350 fc en 2008 , contre une fourchette de 900 à 1300 fc l’année précédente.


Autopsie des origines

De la poésie avant toute chose et pour cela, je préfère celle de la rue…. Elle détonne.

Paille-en-queue et vol :Komedit éditions
Paille-en-queue et vol :Komedit éditions

Moroni. Route de Magoudjou. Longue lézarde entre le rond point Salimamoud et l’hôpital El Marouf. Un jeune homme marche, tenant un poisson séché puant, tête en bas, sous le brouhaha d’une circulation étouffante. C’est que l’île s’enrichit de pollution nouvelle ! Les taxis brousse insultent les conducteurs de gros cylindrés. Des politiciens ou des douaniers sûrement. Puis la pluie s’est mise à tomber brutalement. Le jeune homme au poisson cherchant un abri s’est prestement posté devant la devanture du magasin où je me trouvais. Je vendais des couches et des épingles à linge pour bébés.
La puanteur du poisson, sec comme une chambre à air, mêlée aux haleurs du goudron, a attiré l’attention de ma femme, derrière son comptoir, en train de faire les comptes.
C’est quoi cette odeur ?
La pluie sur le bitume assoiffé, lui ai-je dit.
Le jeune homme, ayant compris l’interrogation de Madame, s’est retourné. Je lui ai fait un clin d’œil et de go, l’ai invité à me rejoindre dans le magasin. Il m’a dit :
« Adjmaël ».
– « Oui, bien sûr ».
Il s’est mis à sourire. Madame usait de sa calculatrice tout en scrutant le poisson mort depuis mille ans, dans les mains d’un jeune homme. La pluie redoublait de violence.
Nous engageâmes une discussion protocolaire. C’est dans ce cadre que j’entendis pour la première fois parler du docteur Anssoufouddine.

Ce jeune homme coléreux, poète d’une excellence indicible, m’a expliqué qu’un jour avec un autre poète originaire de l’île d’Anjouan, ils ont lu mes textes et se sont bien marrés. Ils voulaient savoir qui j’étais où j’étais. J’étais très fier de cette dernière nouvelle. Ils ont eu de la joie en me lisant. La poésie est un plaisir.
« Veux-tu lui parler ? ». J’ai acquiescé de la tête, il me semble. Il a sorti son téléphone. Je crois que j’ai eu le temps de dire « bonjour…Sadani ». Et j’ai entendu un sourire au bout. Un rire de complicité. Puis comme on dit chez nous, kapvatsi rezo.
Un Gecko a dû courir après un insecte sur un fil de Comorestelecom. Puis, plus rien.

Nous avons ainsi convenu que nous nous connaissions à travers les mots et que la rue scellait une amitié. Après, nous partîmes bouffer du fruit à pain grillé et du poisson séché dans un bidonville de Moroni, avec Adjmaël. Il partageait ses jours avec des musiciens, des plasticiens, des slameurs, au milieu d’enfants mal nourris.
Le ciel signa une trêve. Se laissa traversa par un arc-en-ciel et par un homme repu.
J’ai pu ainsi rentrer à la maison.
Ma femme m’a rendu compte de la recette de la journée. J’ai souri. La journée était bonne.

Quelques années plus tard, sur une autre île, Adjmaël a pris l’habitude de me rendre visite, toujours coléreux, avec ses perles, ses textes d’une beauté satanique.

Un jour, il m’apporta un livre d’Anssoufouddine : « Paille-en-queue et vol ».

Vieille pirogue enfoncée sur une partie du territoire spolié, je ne m’interdis plus une recomposition convalescente à travers ce recueil digne d’un Stéphane Mallarmé.

Paille-en-queue et vol : Autopsie des origines.

Veuillez entendre ce que j’ai lu, en hommage à cette mer qui nous interroge. Acceptez donc, que je vous parle de ce recueil d’Anssoufouddine, médecin- poète et à quelques endroits, légiste avéré, non pas, armé d’un coupe-coupe comme j’aurai tendance à l’exhiber moi-même, mais d’un scalpel d’une justesse incomparable et de mots aussi beaux que la phrase portée par ces mots et qui nous
« Conte l’obsédante épopée
D’une citée vouée à l’errance »

A petits pas, « Paille-en-queue», saute d’îles en îles, de thème en thème, comme un oiseau habitué à fréquenter le même territoire, fait le tour de son existence. Oiseau migrateur aussi, « Paille-en-queue » vole et se met en quête de proto-détenteurs du hasard, entre la Perse et les légendes liées aux origines. Salomon et la reine de Saba ? Ou tout simplement la beauté sakalava posée violemment sur les hauteurs du Karthala ? Les nègres d’à-côté- ces-frères- de – sang-Bantou ?

A son retour d’un voyage qu’on imagine fécond, il écrit :
« Au terme de l’exil
La parenthèse s’autopsie
Cryptogame »

Du Bellay, un vieux type de l’occident chrétien disait « heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage ».Il regrettait souvent son pays natal. Ici, nous demeurons encore au stade du questionnement typiquement insulaire. Sans parti pris, les yeux vers l’horizon, les vents de partout traversières.

Anssoufouddine, soulève ce besoin de se poser puis de se poser des questions.
Cryptogamie passée au crible d’une voix qui susurre et qui nous rassure et décrypte notre réalité!

Cryptogamie, origine difficile à définir, comme ces algues, parsemant nos marées basses et sur lesquelles nos pieds déchirés par l’obsidienne, le goudron et ce putain de soleil sang, foulent vers la course aux Sim Sim, chinchards échoués devant nos côtes, pour le festin d’un peuple de mer.
Nous venons de quelque part et ce quelque part n’est pas immédiat. Ce quelque part, nous devons l’accepter avant d’envisager le partage de nos îles, avec ceux qui nous acceptent, en ramenant parmi nous leur part d’origine. Mais avant, nous disons comme dit le poète :
« Nous étions amants
A tressaillir avec
La phosphorescence
Des marées », autrement bercés par une géographie, avant d’être une géopolitique, des colonisateurs et des puissants en tout, qui ont convaincu une religion : La religion de la soumission qui a engendré des séparatismes et des ambitions opportunistes.

« Sur l’archipel des manigances
…………
Vers la cueillette
Et la conquête
Du miel et du ciel
Une meute de nuages
Prompte à inventer les frontières… »
Ces séparatistes aptes à toutes les options, ces séparatistes équilibristes qui usent pour le pouvoir des préceptes subtiles, déclinés par
« Des mages,
Versets incontinents,
Prédictions défectueuses,
Déluge »

Ces foundi, qui, au nom de tout et n’importe quoi, trempent leurs sourates dans l’abjection des reniements, et pour d’indignes intérêts tentent de nous extraire de la matrice, nous définir autrement, à travers une cristallisation exogène, nous, pétrifiés dans le creux des vagues, nous engagés à abolir l’exfoliation, de
« L’errance de tant d’esprits
Assoiffés non plus de butin
Mais d’une nidation
Conques en manque
De quel fortin
De quel hirizi »

Une naissance tout simplement, une renaissance pour tous ceux qui nous croient morts ! Et la poésie en ce sens est debout, comme le poète l’assène, tout au long de son texte. Ye hrizi hindri ? Ce talisman, ce gris-gris, pour nous protéger du mal, pour avancer notre étant, pour rivaliser sainement, avec ce que nous sommes, ce que nous apportons aux autres, car comme l’a dit,Césaire, il n’est « point vrai que l’œuvre de l’homme est finie… »*.

Cryptogamie ! Naissance erratique sans être bâtardise malsaine. Erection mal connue sans que nous soyons les orphelins de la Terre, comme des enfants,

« Pareils aux Talibés
De la Teranga
Affluent l’embarcadère
Bradant des cornets
De pistaches
Ombres ultimes
Des dictées ensanglantées ». L’enfance enfermée dans une réclusion consentie comme un destin et des lectures récalcitrantes qui nous effraient d’horreurs elliptiques.

« Paille-en-queue » décrit nos îles et toutes îles posées sur cet entrain contre l’oppression. Et sans le dire autrement qu’à travers la suggestion et la colère retenue, Anssoufouddine, nous réveille, pour un voyage vers un vaste monde, de justice et de beauté, chacun a sa juste mesure.
La pagure qui habite la maison de l’autre, gastéropode fainéant, peut aussi être celui qui aime les autres, de partout arrivé sur nos îles accueillantes.

Voleurs de chaleur !

Qu’ils nous respectent !

Puis, Mayotte, nos belles amours malgaches, l’Afrique, l’Occident, sont abordés de façon authentique. Il décline nos origines, notre rang et nos habitudes avec le souci du juste mot, toujours, dans ce rythme des marées dont on ne sait ni l’origine ni le rang et les habitudes des océans qui nous protègent.

La poésie d’Anssoufouddine est dense, exigeante, une médecine chirurgicale qui guérit lentement des blessures les plus profondes.

« J’exige une réincarnation
Douce »
Contre
« Toute une flottille [qui] vient à perdre le Nord ».

Saindoune* l’a écrit, Anssoufouddine le répète, et il est heureux que les poètes nous sauvent.

Anssoufouddine, est-ce par souci professionnel, lui, le médecin ? – fouille dans un océan d’histoires, la justesse qui sied mieux à la vérité, aux tréfonds des entrailles de la méthode Coué, usée et perfusée par les mauvais prédicateurs, faussaires historiques, qui font le lit de l’ignorance. (Une stratégie aurait notre assentiment, avec machettes et gros marteaux, pour la justice, cependant le choix opéré dans « Paille-en-queue et vol » a encore le mérite de nous ressembler) :
« Nous appartenons à ce fluide
Etendue criblée d’îles
Où peut-être circulent dissoutes
Les velléités erratiques
Des ancêtres »

Esprits de Djinn, nous sommes et les djinns ont leurs demeures dans la démesure des beautés indivises.
« Nous descendons sillage moiré
De l’anonyme route
Indo-céane ».
Naam !

Entre le mot et la chose, naît dans la poésie d’Anssoufouddine, le frisson de la découverte, pour qui veut s’initier à l’odyssée piroguière, d’un archipel en quête d’assise.

La poésie d’Anssoufouddine, c’est du miel que l’on s’en va chercher à la ruche en chassant à nos risques et périls, les abeilles ayant fini leur boulot, pour nourrir les palais de nos invités.

Bon app’ !

Sadani Tsindamii

Bibliographie de Mohamed Anssoufouddine
– « Paille-en- queue et vol ». Ed. Komedit, 2006
– « Le Rebelle » In Project-îles n°1. 2eme semestre 2010.
– « Lambeaux d’anarchipel » In Petites fictions comoriennes, nouvelles, Ed. Komédit 2010.
* Aimé Césaire -Cahier d’un retour au pays natal. Présence Africaine, 1983

*Saindoune Ben Ali- « Testament de transhumance »- Komedit, 2004


« Il est urgent de conserver la musique traditionnelle comorienne »

Patrice Cronier est formateur à l’Institut de Formation des Maîtres de Dembéni, à Mayotte. Il mène des recherches sur les instruments de musique traditionnels des îles Comores, notamment le gabusi, le dzendzé et le ngoma. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il fait part des découvertes et des rencontres qu’il a faites dans l’archipel. Interview !

Patrice Cronier / Photo ElPadre
Patrice Cronier / Photo ElPadre

No Man’s Land : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux instruments de musique comoriens ?

Patrice Cronier : Je suis arrivé à Mayotte en 2008 pour travailler à l’Institut de Formation des Maîtres de Dembéni. Je devais y former les futurs instituteurs de Mayotte dans le domaine de l’éducation musicale. La musique à l’école, ce n’est pas uniquement Mozart ou Beethoven. Il faut au contraire partir de ce que les élèves connaissent bien et les amener peu à peu à découvrir et à savoir apprécier d’autres univers sonores. Par conséquent, je devais tenir compte de la culture musicale de mes stagiaires et des jeunes élèves dont ils auraient la charge à la fin de leur formation. Or, cette culture musicale, je ne la connaissais pas du tout. Il m’a donc fallu me documenter très sérieusement sur cette musique mahoraise qui est une des branches de la musique comorienne.

J’ai donc entrepris une longue enquête qui est loin d’être achevée. J’ai commencé à filmer toutes les manifestations musicales dont j’étais témoin : concerts, cérémonies, festivités… Je présentais ensuite ces petits films aux stagiaires de l’IFM, ce qui donnait lieu à des échanges très fructueux. Ils m’apportaient des éléments du contexte social, rituel ou historique que j’ignorais, tandis que de mon côté, je leur présentais un regard extérieur, plus spécifiquement musicologique, en leur fournissant les termes techniques qui leur manquaient.

Ceci, c’est l’aspect professionnel. Mais il y a aussi l’aspect humain, plus immédiat qui veut que j’aime la musique, les gens qui en jouent et les instruments qu’ils utilisent. La première fois que j’ai entendu des mbiwi en descendant de l’avion à l’aéroport de Pamandzi, je suis tombé sous le charme de ces petits bouts de bambous. Ensuite, j’ai découvert le gabusi , le dzendzé et de nombreux autres instruments très peu connus en dehors des Comores.

No Man’s Land : D’où viennent ces instruments ? Connaissez-vous des instruments similaires en Afrique ou ailleurs ?

Patrice Cronier : Les instruments comoriens sont les témoins de la grande diversité des peuples qui au cours des siècles ont élaboré dans l’archipel une culture originale. J’aimerais en donner trois exemples caractéristiques :

Le plus lointain ancêtre du dzendzé est une cithare tubulaire sur bambou qui vient d’Indonésie où elle est encore utilisée de nos jours. Cette cithare s’est perfectionnée à Madagascar sous le nom de valiha. Puis, toujours à Madagascar, des musiciens se sont mis à fabriquer des valiha, non plus sur des bambous, mais sur des caisses en bois. De petites cithares sur caisse étaient utilisées par des pêcheurs malgaches pour se concilier certains esprits marins. Ce sont ces instruments qui sont connus sous le nom de dzendzé aux Comores.

L’exemple le plus célèbre et le plus vivant d’instruments d’origine bantu est la famille des ngoma qui sont des tambours à deux membranes utilisés sous ce nom dans toute l’Afrique de l’Est.

Enfin le gabusi est le lointain cousin du qanbus yéménite qui s’est diffusé dans l’Océan Indien, le long de la côte africaine, jusqu’aux Comores et à Madagascar, mais aussi jusqu’en Indonésie et en Malaisie.


No Man’s Land : Pouvez-vous nous parler des rencontres musicales que vous avez faites dans l’archipel ?

Patrice Cronier : D’une façon générale, toutes les personnes que j’ai interrogées au sujet de la musique comorienne et de ses instruments m’ont toujours répondu avec beaucoup de bienveillance. Parmi ces nombreux informateurs, je ne citerai que ceux que je consulte le plus souvent. À Mayotte, ce sont principalement Colo Hassani de Chiconi, connu également sous le nom de Zama Colo, ainsi que Soundi de Chirongui. Tous deux sont des fundi qui fabriquent des instruments remarquables. On trouve également des musiciens plus proche de la world music mais qui ont gardé un bon contact avec les instruments et les styles traditionnels. Je pense notamment à Lathéral et à sa passion pour le gabusi ou à Diho qui continue à faire vivre le dzendzé la shitsuva.

À Anjouan, j’ai rencontré dans la médina de Mutsamudu un flûtiste nommé Moulé. Malheureusement, la flûte firimbi dont il joue en virtuose modeste a fini par disparaître de Mayotte du fait des très grandes difficultés que connaissent les Anjouanais qui veulent résider à Mayotte.

Un autre Anjouanais m’a beaucoup impressionné, c’est Saïd Abassi, dit Chirondro, un ancien pilier du groupe Gaboussi des îles de Domoni. Ce monsieur porte en lui une mémoire musicale d’une valeur exceptionnelle et pourtant, après une riche carrière musicale, il vit de la pêche, très simplement et dans un anonymat paisible.

Dans un autre registre, j’ai rencontré à Mamoudzou, Mwényé Mmadi, un musicien de Ngazidja qui était de passage pour un concert. Il joue du dzendzé et chante dans un style très personnel. Nous nous étions trouvés chez des amis et avions passé plusieurs soirées à jouer ensemble. C’est pour moi un véritable bonheur de jouer avec lui. C’est d’ailleurs pour lui rendre visite que je suis venu à Moroni où, grâce à lui, j’ai pu rencontrer et filmer dans de bonnes conditions Soubi, le célèbre joueur de dzendzé de Mohéli. Comme Saïd Abassi, Soubi est lui aussi un des derniers gardiens d’un patrimoine très fragile.

No Man’s Land : Justement, ce patrimoine, comment peut-on le préserver ?

Patrice Cronier : C’est une question qui présente plusieurs aspects très compliqués et à laquelle on ne peut pas répondre en quelques mots. Par exemple, il est très difficile de maintenir vivante une tradition en train de se perdre et qui semble ne plus correspondre au goût de l’époque. La meilleure politique culturelle ne pourrait rien changer au fait qu’il est normal que les musiques et les instruments évoluent. Il est cependant tout à fait souhaitable que le capital culturel soit préservé en dépit des effets de mode et des changements du goût. C’est une question d’identité culturelle, et cette identité a nécessairement un arrière-plan historique. Un comorien du XXIe siècle peut très bien préférer le rap au toirab et le synthétiseur au gabusi, mais ce serait pour lui une perte si voyant ou entendant un gabusi il ne ressentait pas, faute d’un minimum de connaissances, cette émotion particulière qu’un être humain éprouve devant un symbole fort de sa culture, même si ce symbole est éventuellement ancien. On voit qu’il y a là un travail pédagogique à fournir et une réflexion à développer sur l’identité culturelle.

Cependant, d’un point de vue matériel, la préservation de ces symboles n’est pas si compliquée que cela, mais c’est une tâche urgente car la musique traditionnelle n’est pas écrite. Si elle n’est plus pratiquée régulièrement, elle disparaît avec les derniers interprètes qui savent la jouer et ce sont alors des pans entiers de la mémoire d’un peuple qui s’effondrent. C’est pourquoi il est important de conserver et de rendre facilement accessibles des enregistrements audio et vidéo des derniers musiciens qui connaissent encore le répertoire qui a ému les générations précédentes, les a modelées et a contribué à leur donner leur identité propre.

Lors de mon voyage à Moroni, j’ai eu le plaisir de voir qu’un travail de ce genre était engagé au CNDRS dans le cadre d’un projet de numérisation et de conservation des archives audio-visuelles. J’espère que le futur musée de Mayotte, actuellement en projet, contribuera également à conserver les éléments de ce patrimoine immatériel commun à tout l’archipel.

Pour amples informations, prière de consulter les sites internet :

https://www.instruments-mahorais.site90.net
https://gaboussi.blogspot.com


« La parole est une arme contre le silence, lorsque le silence est lâcheté face à l’oppression et entraîne soumission et frustration »

SANIA est un livre qui vient à point nommé : à l’heure où des peuples de toute part se soulèvent contre des pouvoirs dictatoriaux. SANIA est une poésie de la révolte, de l’insoumission. Dans ce recueil de poèmes écrit avec une verve hors du commun, le poète Sadani Tsindami, au moyen de vers subversifs, s’est obstiné à ériger au fil des pages un Tour de Babel poétique. Ainsi espère-t-il commettre le déicide ultime : tordre le cou au silence qui hante les Comores depuis des millénaires. A travers un entretien qu’il a accepté de nous accorder, le poète Sadani Tsindami aborde cette poétique et cet imaginaire qui rendent atypique son œuvre et que lui seul connaît le secret.

SANIA de Sadani Tsindami
SANIA de Sadani Tsindami

No Man’s Land : Qui êtes-vous en fait, Sadani ?

Sadani : Je ne suis pas Sadani, justement, « je est un autre »…pour simplifier votre question, en chaque individu, il y a un corps et un esprit. Je comprends que votre question est directement liée à l’état civil, seulement, le poète n’a pas d’identité visible ou ne doit pas en avoir, dès lors qu’il a choisi de la refuser, cette identité. Je suis un esprit sensible qui décrit une réalité palpable au sein d’un peuple. Je suis Comorien, c’est tout…


No Man’s Land : Certains affirment que vous vous cachez, pour ne pas assumer vos prises de position publiques, souvent très dures et emportées….

Sadani : Ils ne me verraient pas si je me cachais, ils ne me connaîtraient pas ou ils ne sauraient jamais qui je suis. Croyez-vous vraiment que le fait de dire que je ne suis pas celui qui écrit, soit un jeu de cache-cache ? Beaucoup de gens savent qui est Sadani, mais pour eux, et je crois qu’ils ont raison, l’essentiel ne se situe pas à une curiosité sans effet. C’est ce qui se trouve sous la plume qui justifie la personne réelle. Vous, vous connaissez mon état civil, ma vie familiale, mes lieux communs et tout le reste…Est-ce pour autant que je ne suis pas Sadani ? Il faut éviter cette question confuse. Puis, je ne suis pas « anonyme » puisque je suis Sadani, un « pseudonyme ».

No Man’s Land : Vous êtes connu pour avoir un moment animé avec vos mots et vos histoires sur les réseaux sociaux (Bangwe), développé une approche d’écriture (qui connut un certain succès) pourriez-vous nous parler un peu de votre poétique ?

Sadani : C’est un regard porté sur les fondements de l’imaginaire comorien dans sa relation aux autres imaginaires. Je crois que Glissant appelle cela, sans prétention de ma part, « poétique de la relation ».Ce que nous sommes, ce que nous avons hérité de l’histoire et ce qui doit entrer dans le mouvement de la renaissance en opposition à une certaine dégénérescence que l’on constate dans le pays Comores. Il n y a rien de particulièrement nouveau dans cette démarche, qui est défendue avec beaucoup de talent par les poéticiens antillais, Chamoiseau et Confiant, par exemple, dans « Eloge de la créolité »… Il y a une certaine radicalité chez ces derniers, mais en fait, entre les « nègritudistes », Glissant et les chantres de la créolité, demeure une continuité revendicative, englobant l’Esthétique comme le politique, à des degrés variables. J’essaie de lier l’utile à l’agréable dans ce que vous appelez, la poétique.

Dans le choix des thèmes, l’écriture est la manière de valoriser mes idées, je me réfère à ce silence obsessionnel d’une appartenance mystique à une réalité opprimée. Le fait d’avoir voulu nous faire croire que Dieu est blanc….Ce qui limiterait toute tentative d’affranchissement de notre part….Vous voyez ce que je veux dire…


No Man’s Land : Comment dans des textes, ce silence obsessionnel, s’exprime-t-il ?

Sadani : Par une fureur instinctive, orale, publique et sans concession. La spontanéité du geste d’écrire est dictée par un instinct qui tire sa raison d’une appartenance à un lieu, une histoire et le désir de dire. Ma poésie est ainsi faite, enrichie par des lectures qui ont colporté cet instinct jusqu’à découvrir qu’en mes îles méconnues, ce frisson de l’impératif de dire avait déjà soulevé les grands hommes, que j’ai cités, des poètes îliens d’origine, ayant raconté l’être dans son universalité la plus incontestable…L’écrit cristallise une reconnaissance intellectuelle, tout simplement. Il affirme et défend l’idée selon laquelle, la parole est une arme contre le silence, lorsque le silence est lâcheté face à l’oppression et entraîne soumission et frustration. Contrairement à l’adage du silence qui serait d’or- silence peut-être sur un matelas en diamant-, au réveil, à un certain âge, on se rend compte que dans un pays aussi spécial que l’archipel, sous la coupe de pas mal de vérités contestables qui convergent en tous points vers l’oppression sociale, on ne peut pas défendre un art qui tourne le dos à la misère multiforme de la majorité. Je tente d’exprimer cette sensibilité car « le beau n’est pas dégradé pour avoir servi la multitude », disait Victor Hugo. C’est dans ce sens que l’art, la poésie en particulier, se doit d’être engagée. La forme adoptée doit obéir à une certaine beauté et il n y a pas plus beau que le regard d’une vie à travers le prisme matriciel.

No Man’s Land : En est-il ainsi de Sania ?

Sadani : Oui, bien sûr aussi bien dans le fond que dans la forme. Sania peut paraître comme une imitation de l’exacerbation romantique, telle que les Ronsard avec Hélène, Aragon avec Elsa, l’ont chanté…Mais si je vous disais que dans Sania, il y a une volonté de défendre la liberté de choisir sa vie, son homme, sa femme, et que l’on retombe dans une dialectique politique absolue, qui est celle de la révolte. Sania est une révolte. La révolte est consubstantielle à la liberté. Le contexte mercenarial dans « Sania » est un prétexte politico-littéraire, bien sûr. Et bien que tout cela soit ancré dans une vérité testimoniale. Le fond est cette douloureuse obsession d’une femme. La forme est certes moins virulente, mais je l’ai voulue immédiate, des coups de flash, si je puis le dire, correspondants à mes sentiments du moment.

No Man’s Land : Il est vrai que dans la forme de vos écrits connus, vous mélangez les langues et dans Sania, ce n’est pas trop présent…Y a-t-il une raison à ça ?

Sadani : Il y a une raison simple qui est que Sania est un dialogue entre deux personnes. Chacun dispose de son propre registre de langue et ne se doit en aucun cas d’imposer une vision différente de l’histoire commune. Je ne m’approprie pas cette démarche (développé dans un long article, repris dans la revue project-îles, de juillet 2011), car Sania n’est pas supposée adopter ma propre vision littéraire. Si vous voulez, Sania est une parenthèse formelle dans mon approche de l’oralité scripturale. Je compte ajouter aussi le fait que la littérature est une affaire personnelle…

No Man’s Land : Alors, pourquoi, avoir souhaité que l’on écrive d’une manière que vous n’utilisez pas dans votre premier texte vraiment public ?
Sadani : Parce que je vous le dis, Sania, est une identité parmi une somme d’autres. Je me suis adapté à la personne, par le caractère intime, solitaire et unique de la thématique sentimentale.
A d‘autres occasions, dans mon prochain ouvrage (qui est prêt), je me suis fait plaisir à cultiver cette théorie de la poésie qui ose dire son Non, car le point de vue adopté offre un large panorama qui rend favorable la tentative multilingue (je ne suis pas polyglotte, pour un sou).

No Man’s Land : Merci Sadani et au plaisir de pouvoir reparler de cette poésie de l’irrévérence, car on se pose encore beaucoup de questions sur ce concept littéraire.

Sadani : A la prochaine et merci .

Titre du livre : SANIA
Auteur : SADANI Tsindami
Genre : Poésie
Editions : Cœlacanthes
Date de Parution : 12/10/2011