Adjimaël HALIDI

LE VILLAGE DE KAWENI VEUT FAIRE SECESSION AVEC LA COMMUNE DE MAMOUDZOU

Ahmed Adama est responsable associatif à Kaweni. Il nous parle de l’état actuel de son village. Interview.

Jeune de Kaweni( N.S)
Jeune de Kaweni( N.S)

No man’s land : Le lundi 25 juillet dernier, les jeunes de Kaweni sont allés fermer la Mairie de Mamoudzou. Quelles raisons qui les avaient motivés ?

Ahmed Adama : Le village de Kaweni a toujours été délaissé par la Mairie de Mamoudzou. Il n’y a d’infrastructures ni socioculturelles ni éducatives. Et le peu d’infrastructures sportives qu’il y a sont en mauvais état. Tout est vétuste à Kaweni, les habitations sont insalubres, les voiries font défaut, et celles qui existent sont remplies d’immondices. Le Maire manifeste une insouciance totale vis-à-vis de l’avenir de la jeunesse de Kaweni. Depuis une dizaine d’années, presque tous les 2 ans, nous manifestons notre hargne. Le 4 octobre 2009, nous avons signé un protocole d’accord avec la Mairie de Mamoudzou pour la construction d’une MJC. Le Maire avait promis que les travaux allaient démarrer au mois d’avril 2010. Et depuis, rien.
Et le lundi 25 juillet dernier, le Maire a repris devant nous la même litanie : « Les travaux sont en cours, mais les financements font défaut ».

No man’s land : Le village de Kaweni a envoyé une requête à l’Etat français dans laquelle il explique vouloir faire sécession avec la commune de Mamoudzou. Où en êtes-vous avec les négociations ?

Ahmed Adama : Nous avons demandé un entretien avec le Préfet Hubert Derache, justement pour lui faire part de notre intention de s’affranchir de la commune de Mamoudzou. Nous avons réceptionné, quelques jours après, un courrier de son cabinet nous conviant à aller voir le sous-préfet délégué à la cohésion sociale et à la jeunesse, M. Grégory KROMWELL. Ce dernier nous a reçus, puis nous a déconseillé l’idée de faire sécession, en évoquant des raisons historiques, politiques[ NDLR : Kaweni a une forte population originaire des autres îles de l’archipel ] et économiques [NDLR : étant donné que c’est à Kaweni où il y a la zone industrielle de Mayotte, en cas de sécession, la nouvelle commune prélèvera certaines taxes sur les entreprises, au détriment de la Mairie de Mamoudzou et de la Préfecture]

Quant à nous, nous n’allons pas baisser les bras, nous allons continuer à faire montre de diplomatie, et, épuiserons toutes les voies légales de recours pour avoir gain de cause, quitte à porter l’affaire au haut sommet de l’Etat. Kaweni est la première maternité de France, 65% de la population a moins de 20 ans, et, officiellement, nous sommes 11 562 habitants, mais officieusement, nous avons dépassé les 12 000 habitants. Dans les prochaines élections cantonales, nous souhaitons que Kaweni soit érigé en canton, parce que le découpage se fait au nombre d’habitant.

No man’s land : Vous organisez une remise de prix chaque année à Kaweni. Comment l’événement s’est-il déroulé cette année ?

Ahmed Adama : Le 16 juillet dernier a eu lieu à Kaweni la 3ème édition de la remise de prix connue sous le nom de « la Nuit des Diplômés ». Nous avons octroyé des prix à tous les jeunes kaweniens qui ont été diplômés cette année, tous niveaux confondus. Et encore une fois, il y a eu une absence totale des élus. Seul le sous-préfet délégué à la cohésion sociale et à la jeunesse, M. Grégory Kromwell, a honoré la cérémonie de sa présence. D’ailleurs, il nous a fait cette remarque : « Mais où sont passés les élus ? » avant de nous renouveler son soutien en nous promettant de faire en sorte qu’il y ait un changement dans la localité. Et nous avons confiance en lui, parce qu’il vient souvent à Kaweni pour organiser des rencontres avec les jeunes.

Actuellement, grâce à la sous-préfecture déléguée à la cohésion sociale et à la jeunesse, il y a des centres d’accueil pour les jeunes ouverts durant toutes les vacances. Et des jeunes de Kaweni ont été formés, grâce à M. Kromwell, aux métiers de la pêche. De plus, le 4 avril de cette année, un chantier école a été inauguré officiellement à Kaweni en présence de la Ministre chargée de l’Outre-mer, Marie-Luce Penchard, et le sous-préfet, Grégory Kromwell.

La Mairie de Mamoudzou n’a rien à gagner en écartant les jeunes de Kaweni, bien au contraire : ces jeunes représentent l’avenir de Mayotte. Kaweni est le poumon économique de Mayotte puisqu’il y a ici la zone industrielle de l’île. Ces jeunes, désœuvrés et abandonnés, peuvent faire de ce lieu le cœur d’attaques violentes. Donc, pour éviter que cette population, en majorité jeune, devienne une bombe sociale, il faut, pendant qu’il est encore temps, lui donner les moyens qui permettent de prévenir une délinquance juvénile.

No man’s land : Avez-vous des solutions à proposer ?

Commerçant à Kaweni
Commerçant à Kaweni (N.S)


Ahmed Adama :
J’ai deux solutions à proposer :

– Construire des infrastructures socioculturelles, éducatives et sportives adéquates pour les jeunes.
– Régulariser tous ces jeunes venus à Mayotte depuis l’âge de 3 ans, voire moins, et qui, à l’âge de 18 ans, se retrouvent injustement sans-papiers français. Ces jeunes ne sont pas des étrangers, ils sont désormais des Français à part entier.


Alcoolisme et tabagisme à MAYOTTE, un véritable fléau

Julie Jacquet est psychologue spécialiste des addictions. Elle exerce à l’IREPS Mayotte et a accepté de nous accorder un entretien sur le fléau de l’alcoolisme et du tabagisme qui prévaut dans le nouveau département.

No man’s land : Est-ce que les drogues posent vraiment problème à Mayotte ?

Julie Jacquet : Mayotte est au cœur de profondes mutations socioculturelles. Ainsi, même si les substances psychoactives sont considérées religieusement comme étant « haram », interdites, la consommation semble être en constante augmentation.

Peu d’études épidémiologiques existent sur le territoire, mais les données dont on dispose montrent que la plupart des jeunes consomment, et que cela se fait de manière excessive (plus de 5 verres en une occasion), dans un contexte festif, en groupe. D’après une étude Angalia menée en 2003, par le Centre Information Jeunesse auprès de 3 852 jeunes de Mayotte de 12 à 26 ans :
– 1 jeune sur 10 déclare boire
– 1 garçon sur 4 déclare boire
– l’alcool est impliqué dans 11% des accidents corporels et 28 % des accidents mortels.

Il y a aussi un nombre de contrôles positifs au test d’alcoolisme en hausse de 57% entre 2002 et 2006.
[NDLR: Certains Mahorais, arrivés à l’âge adolescent, pour manifester leur colère envers les parents et la société, pour exprimer leur besoin de liberté, se mettent à consommer des substances psychoactives. Hors-la-loi, comme tout adolescent, consommer ces substances permet de transgresser les valeurs et les normes des adultes, parents et maîtres d’école coranique : sont à la recherche de paricide (veulent tuer le père, comme aurait dit le psychanalyste Sigmund Freud). On peut aussi souligner que certains jeunes à Mayotte ont une faible personnalité, et, à cause de cette dépersonnalisation, tombent facilement dans le mimétisme, imitent le muzungu, l’Européen, qui est souvent, à cause de son influence économique, sociale et politique, pris pour modèle à Mayotte. Consommer des drogues peut parfois être considéré comme synonyme de réussite, d’ascension, de francité sur le territoire ]

No man’s land : Est-ce que l’alcool contribue à la délinquance ?

Julie Jacquet : L’effet de l’alcool sur l’organisme est notamment qu’il désinhibe. Ainsi adapte-t-on facilement un comportement nouveau, que jamais on ne se permettrait en état normal. Quelqu’un d’humeur bagarreuse passe donc plus facilement à l’acte, mais quelqu’un n’ayant pas de propension à se battre n’aura alors pas de raison de devenir bagarreur.

No man’s land : Pourquoi les jeunes du monde consomment-ils des substances psycho-actives (alcool, tabac, cannabis …) ?

Julie Jacquet : Plusieurs raisons sont possibles, un comportement est de plus toujours le résultat de plusieurs facteurs.
On peut citer notamment les facteurs suivants :
– L’influence des pairs : lorsque les amis consomment, on a davantage tendance à consommer soi-même. Cela est vrai pour toutes les personnes importantes pour nous.
– Certains traits de la personnalité tels que la curiosité, le goût du risque, la recherche de sensation, peuvent constituer des facteurs de risque pour la consommation.
– Certaines croyances poussent des jeunes à consommer , comme l’idée fausse que cela rend plus fort, qu’ils auront plus de facilité à séduire les filles/garçons ou que cela donne une bonne image auprès des pairs.
– Les jeunes citent souvent l’idée de plaisir à consommer, associée à la fête et aux partages entre amis.
– Certains disent consommer finalement pour se soulager, se détendre, ou oublier les problèmes, tout en reconnaissant que les problèmes restent irrésolus.

No man’s land : Qu’est-ce que l’addiction ?

Julie Jacquet : L’addiction est le mot anglais qui correspond à la dépendance en français.
On parle de dépendance quand une personne adopte un comportement (par exemple consommer une substance psychoactive) tout en connaissant les conséquences négatives pour sa santé (physique, mentale et /ou sociale), mais sans pour autant pouvoir s’en passer.


No man’s land : Qu’est-ce qu’une substance psychoactive ?

Julie Jacquet: C’est une substance agissant notamment sur le cerveau. On parle aussi de « drogue ». Et l’alcool aussi rentre dans la définition des substances psychoactives/drogues. Ces substances :
 provoquent des modifications des sensations, de la perception et du comportement.
 ont des conséquences négatives pour la santé
 peuvent entraîner une dépendance

No man’s land : Quels sont les risques de l’alcool pour la santé ?

Julie Jacquet: L’alcool nuit aux systèmes cérébral, digestif et cardiaque. Il peut également provoquer des problèmes au niveau social (relations avec les autres altérées) et professionnel.

No man’s land : Le tabac calme, vrai ou faux ?

Julie Jacquet: En réalité, le tabac augmente le rythme cardiaque. La sensation de relaxation provient du fait que l’état de manque est comblé par la prise de tabac après un certain temps d’abstinence.

No man’s land : Pourquoi la vente de l’alcool est-elle interdite aux moins de 18 ans ?

Julie Jacquet: On estime que le cerveau arrive à maturation entre 20 et 25 ans. La prise de substance psychoactive avant cela peut favoriser une dépendance future.
De plus, l’alcool est principalement éliminé par le foie, et les enzymes responsables de cette action sont présentes en plus petite quantité chez un jeune que chez un adulte.


No man’s land : Est-ce que les drogues procurent vraiment du plaisir ?

Julie Jacquet : Il existe dans le cerveau un circuit dit « du plaisir » qui est naturellement activé par toute activité qu’on aime pratiquer. Les drogues activent artificiellement ce circuit, ce qui procure du plaisir. Mais elles prennent ainsi progressivement la place des voies naturelles. Le risque est d’en devenir dépendant et que seules les drogues aient le pouvoir finalement d’activer cette voie.

No man’s land : Combien de temps faut-il pour éliminer 2 cannettes de bière ? ( )

Julie Jacquet : 2 canettes = 66 cl 0,66g /L de sang dans le corps.
On élimine entre 0,1 et 0,15 g/L par heure.
Il faut entre 4h 30 et 6h 30 pour éliminer 2 canettes de bière à . L’alcool passant dans le sang, rien ne peut accélérer ce processus.


YLANG-YLANG, UNE FILIERE EN PLEIN DECLIN A MAYOTTE

Thomas Danflous, co-gérant de la société Aromaore, travaille dans la filière de l’ylang-ylang à Mayotte. Au cours d’un entretien, il nous parle de cette filière en déclin.

Thomas Danflous co-gérant de la société Aromaore
Thomas Danflous co-gérant de la société Aromaore

No man’s land : Quel est l’état actuel de la filière de l’ylang-ylang à Mayotte ?

Thomas Danflous : La filière de l’ylang-ylang se porte mal, en raison des évolutions juridiques, économiques et sociales, d’une part, et, d’autre part, l’ylang est soumis à un cours mondial qui varie entre 90 et 110 euros le kilogramme. Pourtant, de la cueillette à la distillation de l’ylang pour avoir de l’huile essentiel, le total coûte 300 euros. Avec les alambics INOX, il faut 80 litres de pétrole pour avoir 2 litres d’huile essentielle. Pour ceux qui ont des alambics en tôle galvanisée, disons la majorité des producteurs de l’île, il leur faut du bois, et comme le déboisement est interdit sur l’île, ils achètent cher le bois et en catimini. Du coup, il est illogique, avec un prix de production de 300 euros, de payer au SMIC les gens qui travaillent dans la filière. Peu de gens achètent l’ylang à Mayotte puisqu’après, ils vont le vendre à perte.

Nous personnellement, pour contourner le problème des pertes, nous produisons notre ylang nous-mêmes, et le vendons aux touristes, en fabriquant des produits plus élaborés à l’instar d’huiles de massage que nous vendons dans des petits flacons. Nous faisons travailler dans les plantations, je me dois d‘ être sincère, des sans-papiers français. Comme le travail est pénible et peu rémunéré, les Mahorais refusent de travailler dans la filière. Le prix du KG est de 10 centimes habituellement contre 1.5€ pour nous. une cueilleuse aguerrie peut espèrer récolter 5KG de fleur/h ce qui est un travail très pénible

Mais à la longue, nous risquons d’aller en prison. Faire travailler des sans-papiers français ça rapporte de l’argent, mais c’est pénible et trop risqué. La filière de l’ylang à Mayotte est en plein déclin, l’ylang mahorais n’est pas viable, avec les pressions juridiques, économiques, sociales et la dictature du marché mondial.

No man’s land : Vous avez beaucoup parlé des hommes, et si vous nous parliez de la manière dont vous distillez l’ylang ?

Thomas Danflous : Il ya 15 alambics INOX à Mayotte qui permettent de produire l’ylang aux normes européennes. Les alambics ont été financés par le STABEX (Système de stabilisation des exportations [des produits agricoles] financé par l’Union Européenne) par l’intermédiaire du Conseil Général de Mayotte. Mais il y a plus de 5 alambics qui ne sont pas opérationnels, sont abandonnés dans des garages. Et personne ne peut les réclamer, nous avons essayé, mais sans succès. De l’argent perdu en quelque sorte.
Sur 30 producteurs répertoriés à Mayotte, seulement 3 ont moins de 30 ans. Cela dit, il n’y a pas de passation de métier ni de savoir-faire. Certains producteurs préfèrent arracher les ylangs pour planter des cultures vivrières. En plus, les ylangs sont vieux à Mayotte, ils ont plus de 50 ans, ils donnent moins de fleurs étant donné qu’il n’y a pas de régénération de l’espèce.

La majorité des producteurs mahorais distillent l’ylang à partir d’alambics en tôle galvanisée et malheureusement pour eux, l’essence est légèrement jaunâtre, il y a des métaux lourds. Les huiles essentielles ne sont pas aux normes européennes. Du coup, les grossistes importateurs n’en veulent pas, les entreprises pharmaceutiques non plus. Et ceux qui achètent ces huiles, ne l’achètent pas aux prix normaux.

No man’s land : Vous avez parlé de grossistes importateurs, qui est-ce ?

Thomas Danflous : En fait, les producteurs mahorais vendent l’ylang à un collecteur qui le filtre et le revend à son tour à des grossistes qui sont basés souvent à Grasse, en Hexagone. Ces derniers vendent l’huile essentielle à des transformateurs ou des parfumeurs, qui, eux, fabriquent les produits finis qu’on trouve dans les grandes surfaces et pharmacies. Ceux qui extraient les fleurs et ceux qui les collectent gagnent peu, pendant que les grossistes et les transformateurs se remplissent les poches.

No man’s land : Et que fait l’Etat pour sauver la filière ?

Thomas Danflous : Pour être honnête, le Conseil Général de Mayotte ne fait rien. L’administration a baissé les bras, et, les quelques aides de la DAF (Direction de l’Agriculture et des Forets) ne pourront pas sauver la filière. Pourtant les producteurs mahorais produisent de l’ylang de qualité supérieure. L’ylang de Mayotte est sans l’ombre d’un doute le meilleur au monde.


Evacuations sanitaires des Comores indépendantes vers Mayotte

évacuation sanitaire/ www.coloriage-dessin.com
évacuation sanitaire/ www.coloriage-dessin.com

Mme Nicole COGGHE est cadre supérieur de santé au Centre Hospitalier de Mayotte. Elle est responsable au pôle SMUR-Réanimation-EVASAN. Elle a accepté de nous parler des évacuations sanitaires faites des Comores indépendantes vers Mayotte.

No man’s land : Quel type de patient comorien a droit à une évacuation sanitaire vers Mayotte ?

Nicole COGGHE : Il existe deux types de patients qui peuvent être évacués à Mayotte.
– Le premier type est le patient qui demande un visa sanitaire hors extrême urgence. Celui-ci doit être solvable. Il doit avoir les moyens pécuniaires pour payer ses frais de voyage pour Mayotte et les soins hospitaliers, une fois sur le département. Il envoie un dossier médical, par l’intermédiaire du comité EVASAN-Comores, au service de santé concerné à Mayotte. Quand le chef de ce service donne son accord, un comité se réunit au Centre Hospitalier de Mayotte pour examiner le dossier et rendre une décision administrative.

Le Comité est constitué de 4 membres :

– Du médecin Conseil Caisse Sécurité Sociale Mayotte

– Du médecin inspecteur Agence Régionale de la Santé

– Du Médecin Président de la Commission Médicale d’Etablissement

– Du Médecin Responsable du service EVASAN

Après accord du comité, un dossier est envoyé au comité EVASAN à Anjouan ou à Moroni pour faire la demande du visa sanitaire aux Vice-consulats.

Néanmoins, il y a des institutions qui sont spécialisées dans les évacuations sanitaires telles que Mondial Assistance ou Assistance Océan Indien qui est basée à Madagascar. Ils ont des avions sanitaires, par contre, ils font souvent les évacuations vers la Réunion.

– Le deuxième type est le patient qui nécessite une urgence sanitaire. Ce peut être soit une victime d’une brûlure d’une étendue de plus de 40 %, soit une personne atteinte d’une pathologie qui ne peut être soignée aux Comores indépendantes.
Et sur décision médicale (d’un chirurgien ou du chef du service des brûlés), une décision administrative est prise par le comité EVASAN-CHM, et la Sécurité Sociale de Mayotte prend en charge le malade une fois à Mayotte. Le patient est évacué à Mayotte et soigné à l’aide du Fonds de la Coopération Régionale qui a été mis en place par l’État français pour lutter contre la clandestinité. Une fois le patient soigné au Centre Hospitalier de Mayotte, l’État français lui paie le billet retour. Quand un enfant est brûlé, l’État français paie également le billet d’un accompagnateur, qui, souvent, est un parent.

Néanmoins, les patients qui nous sont envoyés des Comores apportent des germes durs car les conditions d’hygiènes ne sont pas respectées dans les hôpitaux comoriens. Pour éviter des germes complémentaires au Centre Hospitalier de Mayotte, nous avons alors dû mettre en place des moyens là-bas, en construisant des sas sanitaires à l’hôpital El-Maarouf de Moroni, et bientôt, un autre à l’hôpital de Hombo, à Anjouan. En fait, un sas sanitaire est un îlot hyper-propre contenant tous les moyens modernes (des antibiotiques par exemple), pour prendre en charge des patients.

No man’s land : Beaucoup de Comoriens, des cancéreux pour la plupart, arrivent à Mayotte clandestinement pour se faire soigner. Parfois, ce sont des malades qui avaient fait, mais sans succès, des demandes de visas sanitaires. Apparemment, les malades qui ont le précieux sésame sont triés sur le volet ?

Nicole COGGHE : L’Hôpital de Mayotte a 130 lits. Déjà on n’a pas suffisamment de lits pour la population mahoraise, on ne peut pas, malheureusement, prendre tout le monde en charge. Toutefois, nous avons obligation d’accueillir les patients sans distinction de couleur, de sexe, de nationalité.
C’est vrai, il y a beaucoup de Comoriens souffrant de cancer qui viennent se faire soigner à Mayotte. Et dès qu’un cancer est détecté chez un malade, nous le prenons en charge. S’il y a lieu d’évacuation vers la Réunion, nous le faisons évacuer et prenons en charge son retour sur Mayotte. Par contre, s’il y a besoin de chimiothérapie, l’opération est faite ici à Mayotte.

No man’s land : Certains médecins comoriens se plaignent que des hauts placés de l’État comorien leur mettent la pression pour qu’ils montent des dossiers médicaux pour des non-malades. Pourriez-vous confirmer le fait ?

Nicole COGGHE : Des pressions politiques sur des médecins pour qu’ils accordent des autorisations à des non-malades, j’en ai déjà entendu parler. Néanmoins, nous n’avons jamais reçu des patients qui sont bien portants. Malheureusement, les gens qui arrivent dans nos services ont vraiment besoin de soin.

No man’s land : Pourquoi l’État français ne développe-t-il pas de moyens aux Comores afin que les Comoriens soient soignés chez eux ?

Nicole COGGHE : L’État français avait toujours aidé les Comores en matière de santé. Maintenant, ce n’est plus le choix fait par le gouvernement. Pourquoi ? Je ne sais pas. Cependant, dans le cadre du Fond de Coopération Régionale, l’État français forme des professionnels soignants comoriens, 70 sont venus faire des stages pendant 1 mois au Centre Hospitalier de Mayotte. Des Majors ont été aussi formés aux pratiques professionnelles, des sages-femmes formées à la prise en charge d’un accouchement sanitaire, et nous formons aussi les professionnels soignants en hygiène. De temps en temps, un apport en médicaments est donné au PNAC (pharmacie du ministère de la santé comorien).
En fin, il est à souligner que d’autres pays comme les Émirats Arabes Unis, la Chine et le Qatar aident aussi les Comores indépendantes en matière de santé.