Adjimaël HALIDI

La bibliothèque de Pamandzi en fête

pamandzi
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A l’occasion du Printemps des Poètes et de la Semaine de la Langue Française, la bibliothèque municipale de Pamandzi en collaboration avec le PIJ a réuni les enfants de la Petite-Terre et leurs parents à travers une journée culturelle, festive, conviviale et ludique. De 9 heures 30 à 20 heures, en ce samedi 26 mars, les enfants ont appris à écrire des poèmes, à faire du théâtre et aussi à peindre. Les artistes qui ont animé les ateliers pluridisciplinaires sont le poète Naouirou Issoufali, le comédien Madjid, la peintre Gwenaëlle Maandhui, les slameurs Hakim et Rafion, les comédiens des Cie Le Chemin de la Balle et des Enfants de Mabawa et enfin les agents du CEMEA , du PIJ de Pamandzi et du CCLEJ de Pamandzi.

« C’est pour qu’il y ait un vrai dialogue intergénérationnel que nous avons organisé cette manifestation culturelle. Les enfants sont venus en nombre et les parents les ont soutenus dans leur ouvrage . Et je peux vous assurer que les créations de ces petits artistes en herbe ont étonné tout le monde, mêmes les artistes en puissance qui ont dirigé les ateliers ont été surpris. » confie Faïssoili Maliki, directeur de la bibliothèque municipale de Pamandzi.

Pour le poète Naouirou Issoufali « La bibliothèque de Pamandzi a organisé une journée mémorable où toutes les générations ont pu se côtoyer grâce aux différents arts proposés »

Et pour Soraya Daiber, la présentatrice de la journée « les festivités organisées par la bibliothèque de Pamandzi se sont dans l’ensemble très bien déroulées. De nombreux enfants étaient présents pour participer aux différents ateliers mis en place par l’organisation. Ils ont pu pour la plupart partager leur travail au fil d’un concours d’écriture qui à mis en lumière de jeunes talents mais qui a aussi suscité le vif intérêt du petit groupe de parents présent. « 


Un Message d’un jeune maorais à l’endroit de Maandhui Yazidou

Nos seuls risala (messages), ô Comoriens !

Nous avons voulu à travers la marche du mercredi 23 février 2011 à Mamoudzou, tirer la sonnette d’alarme, démontrer le populisme irresponsable et mensonger de la diplomatie du gouvernement Comorien, rappeler à l’Etat français ses devoirs démocratiques, pour que nos jeunes d’Anjouan, de Mohéli et de Grande Comore, ceux qui subissent la houle meurtrière et la voracité des squales, n’aient plus à mourir pour se rendre chez nous, un peu chez eux et beaucoup aux Comores, à cause d’un visa Balladur, un homme dont ignore, la naissance le lieu et le lien.

Foumbouni à la Grande-comore
Foumbouni à la Grande-comore

La France des droits de l’Homme ne peut-elle pas être celle des droits de tous les hommes, Comoriens fussent-ils ?

C’était le sens de notre Marche !
Nous ne revendiquions ni l’indépendance ni le rattachement à Moroni.

Nous exigeons que la démocratie à Mayotte soit aussi respectée par les maîtres des lieux, car nous ne sommes pas enclins aux émeutes et encore moins à la chasse à l’homme, Yazidou !

Nous sommes français de quelque manière et nous voulons que notre parcelle de France soit aussi respectueuse de la liberté, de la fraternité et de l’égalité. Une devise faite de mots, diriez-vous, vu votre réaction, mais pour certains porteurs de sens.

Comme les Comoriens obtiennent des visas pour aller à Paris, ils doivent les avoir pour venir à Mamoudzou. Point barre !
Et un Comorien comme un Tunisien, un Egyptien, un Afghan, un Irakien a le droit de sauver sa peau, si les systèmes qui leur sont proposés sont iniques, injustes et corrompus.

Nous aussi, à Mayotte, nous désertons Maore Yatrou pour les allocations de Saint Denis de -La Réunion, de Sarcelles, de Marseille et de Paris. La survie.

Nos seuls conseils viennent de la Terre. Simples, ils sont. Naturels avant d’être historiques car on sait que l’Histoire est écrite par les vainqueurs. Et nos îles sont le ferment de cette langue, de cette culture, de cette religion, de cette couleur et de cet imaginaire djinnique que nous imposons au Monde, de Fomboni à Dembeni. C’est notre impondérable, notre axis mundi. L’identité comorienne.
La nationalité, l’histoire en cours ? Des billevesées qui ne doivent pas obérer notre humanité !
Nous étions donc quelques humanistes à marcher, pacifiquement et dignement.

Yazidou, nos sourates et non les épîtres ont cristallisé nos croyances, notre Etant et cimenté notre appartenance à une civilisation-même s’il y a à dire- afro musulman. Elle se situe en dehors de l’histoire coloniale, qui est pour souvent, le lieu de dispute entre ceux qui pensent le pouvoir en mains et ceux qui subissent ce pouvoir pris. Inscrite dans une telle altérité que le parchemin qui la contient peut devenir palimpseste sans teneur.

Jusqu’ici l’histoire est écrite par ceux qui diffusent ; et ceux qui lisent, lorsqu’ils ne se sentent pas bien représentés par ce qui les concerne, ils se lèvent, se soulèvent et disent, nous savons écrire, nous savons lire, nous savons dire ce qui nous concerne, mais nous observons la pudeur contrainte de n’avoir encore les outils pour choisir entre la peste coloniale et le choléra dictatorial. Et c’est ça l’histoire, telle qu’elle se fait chez nous.

A Mayotte nous sommes dans une histoire qui s’écrit comme en Martinique, en Guadeloupe et dans n’importe quelle colonie française aux heures sombres de l’humanité noire. Ici nous sommes aux temps obscurs que ces peuples ont déjà dépassés au mitan des choix discutés.
Le reste n’est que rapport de force. Nous sommes ici sans des Césaire, sans des Chamoiseau, sans des Walcott ni des Glissant. Mais avec des comme vous qui élèvent des récifs dans la mer, pour nous ramener à des Gobineau et des Ferry, civilisateurs coûte que coûte, que des mers et des océans séparent de nos cases.

Yazidou, nous sommes des colonisés ! Mais nous cheminons ensemble tout en sachant pourquoi. Que nous l’ayons choisi ou non, nous n’avons pas notre destin en mains !
Nous sommes sur la route de l’histoire sans connaître la fin d’un voyage commun.

Nous sommes des Comoriens mais nous hésitons entre la colonisation rondement matérialisée et faussement paternaliste et le caillou natif qui, aux saisons de pluie, laisse nos mômes les pieds dans la gadoue ! Nous sommes tristes à entendre, tristes à voir, tristes à nous aimer même aux confins de nous-mêmes, car nous ne dormons point sur nos deux oreilles. A cause de l’histoire qui fracasse à l’aube, les Banga en soupçon et nous réveille en sueur !

Schizophrène devant l’éternel, nos maîtres et, devant l’histoire, nous vivons dans un asile à ciel ouvert. Pourquoi ? Parce que la misère et vous l’avez dit, nous fait peur. Cette misère que l’on imagine dans les autres îles et que l’on ne sait même pas analyser, qui s’impose abrupte, à Poroani, Hajangoua et dans la creuse où je vécus, les banlieues parisiennes qu’on entend parler à Télé Mayotte ; puis vous dites nous avons choisi la liberté. La liberté est un absolu qui peut être un choix ou un contre choix. Ici nous sommes dans le non choix.

Un politicien de chez nous a assumé en disant (il est encore actif en politique), nous avons choisi la France pour avoir de l’argent. Mes collègues wazungu le pensent, la préf. le sait, le conseil général le perpétue dans sa mauvaise gestion, les hommes politiques indigènes le clament…Mais cela n’engage qu’eux et vous.

Nous n’avons pas choisi une liberté qui nous met au crible des critiques de l’autre, omnipotent même sans compétence, sans qualités, mais Mzungu, aussi moindre soit-il, détenteur des lois, missi dominici d’une superpuissance en démonstration, pour des intérêts que nous ne lui disputons même pas, mais qui pour s’imposer doit montrer ses muscles, car on ne se sait jamais…

Mais l’Histoire, la vraie, celle des Hommes est en marche….

Et lorsque Brel chante au suivant, il fustige la force des lois écrites qui embrigade des jeunes hommes dans les casernes et qui nus dans leurs serviettes, revendiquaient leurs personnalités uniques, plutôt qu’une file indienne de culs blancs et de bleues bites alignés, pour une inspection d’un colonel gueulard, symbole de l’histoire des maîtres…Une nation nommée…Et qu’il condamnait. Mouton de Panurge, Brel ? Non ! Ironie rebelle d’un homme avisé ; votre ironie du suivant est une course désespérée à contre courant de l’histoire.

Mayotte fait-elle partie de la nation française aujourd’hui comme le Sénégal, les Comores,
L’Indochine, Pondichéry, la Tunisie, la guinée, le Dahomey, il y a plus de 100 ans ? Oui ! Comme il y a belle lurette, Mayotte est une entité coloniale.
Je n’en tire aucune fierté en tant que français d’outre mer et encore moins aucune honte ; sauf que, lorsqu’au nom de la France, je deviens dépositaire de milliers de victimes innocents, des enfants, des femmes et des vieillards brûlés dans leurs cases sur leur île Comorienne, ces êtres qui ne seraient que le fruit d’un fantasme appelé Comores, Yazidou, je me demande sincèrement si vous ne seriez pas un extraterrestre comme tant d’autres à Mayotte ?

Au suivant…Entre la Tunisie, l’Egypte, la Libye, Bahreïn…. ?
Et alors… Alors, comme dit Saint John Perse, « si un homme vient à manquer à son image de vivant qu’on le tienne de force la tête face au vent »…Le vent de l’Histoire.

M .A. Bacar Kaïm


Interview avec Saïd Omar Oili, Président du parti NEMA

Saïd Omar Oili . Source : www.typomag.net
Saïd Omar Oili . Source : www.typomag.net

Saïd Omar Oili, président du parti Nouvel Elan pour Mayotte (NEMA), est conseiller général de Dzaoudzi-Labattoir. Il a présidé, de 2004 à 2008, le Conseil Général de Mayotte. Suite à la grève générale qui a eu lieu du 20 janvier au 4 mars 2009 en France ultramarine, en particulier en Guadeloupe où elle a été amorcée par le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), le gouvernement français à travers son secrétariat d’Etat à l’Outre-mer avait mis en place les états généraux d’outre-mer. Saïd Omar Oili a été à la tête de l’atelier local des états généraux consacré à l’insertion de Mayotte dans son environnement régional. Interview.

No man’s land : Monsieur le Président, les états généraux de l’outre-mer qu’est-ce que c’est ?

Saïd Omar Oili : Les états généraux d’outre-mer ont été mis en place par le Président de la République, Monsieur Nicolas Sarkozy, suite aux événements des Antilles françaises, notamment en Guadeloupe : les Ultramarins étaient descendus dans les rues pour demander que l’égalité républicaine soit réelle. Les états généraux ont été une réponse aux nombreuses difficultés que rencontrent les Français d’outre-mer. Les Ultramarins subissent la vie chère étant donné qu’ils n’ont que leur salaire pour survivre.

C’est à partir des mouvements de contestations contre la vie chère que le Président Nicolas Sarkozy a mis en place dans chaque territoire français d’outre-mer des ateliers locaux. Et moi j’avais en charge l’atelier relatif à l’insertion de Mayotte dans son environnement régional.

No man’s land : Et quels sont les résultats de l’atelier que vous avez présidé ?

Saïd Omar Oili : Plusieurs réunions ont eu lieu à Mayotte. Et des propositions ont été faites. Parmi les actions à mettre en place rapidement, on peut citer :

• Le désenclavement numérique de Mayotte par le développement et la vulgarisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIIC). Si aujourd’hui les Mahorais se sentent complètement enclavés, c’est parce que les moyens de communication ne sont pas vraiment développés. Il y a une époque, nous arrivions à capter certaines stations de radio de la zone, notamment des stations de radio du Mozambique, de Madagascar, de Zanzibar, etc. Force est de constater que toutes ces stations de radio de la région ont disparu de nos postes.
• La création d’une zone d’activités régionale qui passera impérativement par une libre circulation des biens et des personnes et une acceptation de Mayotte par toutes les organisations régionales telles que la SADC (Communauté pour le Développement de l’Afrique Australe), la COI (Commission de l’Océan Indien), le COMESA (Marché commun d’Afrique Orientale et Australe), etc. L’intégration économique régionale est indispensable car plus des pays voisins sont unis économiquement plus ils sont forts.
• L’entrepreneur mahorais qui aimerait investir à Madagascar ou aux Comores indépendantes veut être assuré par les autorités des ces pays-là que son investissement sera en sûreté. Ça doit être aussi le cas à Mayotte, l’Etat français doit procéder à une politique d’ouverture, c’est-à-dire permettre aux investisseurs de la région de venir investir à Mayotte en assouplissant le visa d’entrée.

Malheureusement, force est de constater que la montagne a accouché d’une souris. On nous a occupés pendant plusieurs mois à faire des propositions qui sont restées jusqu’à ce jour lettre morte. La coopération régionale est bloquée parce qu’il y a tellement de politique politicienne …On reproche souvent aux élus Mahorais de ne jamais faire de propositions de projets, et quand ils font des propositions, l’Etat n’accorde pas de suivi.

No man’s land : Mayotte a participé aux derniers jeux des Îles de la COI en tant que membre à part entière. D’a près vous est-ce une avancée dans ce combat que vous êtes en train de mener pour intégrer Mayotte dans son environnement régional ?

Saïd Omar Oili : Le sport peut être le vecteur principal dans la compréhension et la connaissance de nos jeunes de cette région et c’est une bonne chose.
Donc pour la coopération régionale je dirais que c’est un bon début.
Que Mayotte participe en tant que telle c’est bien.

No man’s land : Il se dit que c’est grâce à l’accord de l’Etat comorien que la convention régissant la COI a été bravée et permis alors à la France de présenter deux délégations à savoir une délégation mahoraise et une délégation réunionnaise. Est-ce exact ?

Saïd Omar Oili : Je ne suis pas au courant.

No man’s land : Monsieur le Président, si vous nous parliez de la coopération régionale entre Mayotte et les Comores indépendantes …

Saïd Omar Oili : On a mis en place le GTHN (Groupe de Travail de Haut Niveau) pour que les gens discutent de la coopération régionale. Malheureusement, force est de constater que les discussions sont au point mort. Au point mort puisque les gens ne se parlent plus et sont en train de se regarder en chiens de faïence. Et moi je trouve cela dommage. Aberrant. Parce qu’il faut vraiment réactiver les discussions pour que nous puissions trouver des solutions pérennes aux difficultés de la région.

Considérons que nous appartenons à une famille où un des frères a épousé la France. Bien sûr tant qu’on ne respectera pas les choix des uns et des autres, il y aura toujours des blocages. Donc il faudrait dépasser ces blocages et apporter des solutions à nos populations qui souffrent. Il ne faut pas croire qu’il n’y a qu’à la Grande-comore, à Anjouan et à Mohéli où les gens sont endeuillés quand il y a des naufrages de kwassa-kwassa. Nous aussi nous avons de la famille là-bas et sommes endeuillés quand il y a des morts. Il ne faut pas se voiler la face. Donc jusqu’à quand allons-nous continuer à se regarder en chiens de faïence et laisser nos populations souffrir ? Il faut s’asseoir enfin autour d’une même table et ensemble trouver enfin des solutions pérennes à nos difficultés. Moi personnellement je ne crois pas à un développement dans l’archipel sans une stabilité de nos relations.

La Chine intervient énormément aux Comores indépendantes. Les pays du Golfe, dont le Qatar, les Emirats Arabes Unis… aident énormément les Comores indépendantes. Je crois que les Comores n’ont pas besoin de l’aval de la France pour aller coopérer avec la Chine et les pays du Golfe. Mayotte non plus. Au nom d’une économie mondiale, Mayotte et les Comores indépendantes doivent fédérer les énergies, doivent monter des projets communs, des projets fédérateurs pour qu’ensemble nous puissions bénéficier de cette coopération avec la Chine et les pays du Moyen-Orient. Il faut ouvrir aussi Mayotte à cette coopération, parce que Mayotte aussi est dans une pauvreté incroyable. Il ne faut pas se mentir.

La réalité de la guerre froide n’existe plus. Le temps d’un monde bipolaire est révolu. Maintenant, nous sommes dans la globalisation, dans la mondialisation. Et Mayotte fait partie de cette globalisation, de cette mondialisation. Mayotte ne peut pas vivre à jamais en vase clos. Mayotte ne peut pas ignorer la région. Mayotte ne peut pas continuer à ignorer ce qui se passe chez ses voisins. C’est ensemble que nous pourrions trouver des solutions. En essayant de nous balkaniser, en s’enfermant aux autres, nous allons finir étouffés.

Il faut trouver des solutions pour qu’enfin nous atténuions cette méfiance entre nous. Parfois je me demande d’où vient cette méfiance, cette suspicion dans la mesure où nous avons la même culture, la même religion, les mêmes origines. Cette peur de l’autre en conscience ne doit pas exister. Bien au contraire.

Mayotte doit aussi bénéficier des retombées économiques des pays qui investissent aux Comores. Néanmoins, il faut d’abord que ces investissements arrivent à stabiliser les populations comoriennes aux Comores. On peut citer l’exemple du quotidien AlBald Mayotte (filiale du Groupe international Awi Company). C’est grâce aux Comores indépendantes, que le journal a pu s’implanter à Mayotte. A vrai dire, l’investissement se trouve aux Comores et à Mayotte les gens bénéficient de cet investissement qui est à l’origine de la création de nombreux emplois. Et c’est dans ce sens qu’il faut y aller. Il faut que les investissements soient profitables à toutes les îles de l’archipel voire de la région.

Sur le plan touristique, il serait mieux que toutes les îles de l’archipel des Comores créent un centre d’accueil commun de touristes. Pour que le touriste qui vient visiter Mayotte ou les Comores indépendantes ait la chance de découvrir toutes les faunes et les flores de tout l’archipel. A la Grande-comore, il y a le Karthala qui est le plus grand cratère du monde, à Anjouan il y a les arbres fruitiers, à Mohéli il y a les belles plages, à Mayotte il y le lagon. Et pour ce qui est de l’agriculture, il faut créer un marché commun pour que chaque île puisse importer et exporter des produits dans la région.

On peut aussi échanger le savoir-faire (know-how). Là-bas aux Comores indépendantes, il y a des gens qui sont bien formés sur le plan professionnel. A Mayotte peut-être avons-nous aussi des gens qui ont de l’expérience. Alors pourquoi ne pas échanger le savoir-faire. Et assurément ça nous coûterait moins cher puisque nous ferons dans ce sens des économies d’échelle. Pourquoi au lieu d’aller chercher un expert en France, ne pas demander les services d’un expert comorien qui connaît la réalité locale. Pour promouvoir le développement de Mayotte et des Comores indépendantes, il faut faire une vraie coopération régionale. C’est un faux problème le fait de dire que c’est à cause des autres que nous n’arrivons pas à avancer. A force de stigmatiser l’autre, nous oublions d’apporter des solutions à nos problèmes. C’est seulement ensemble que nous pourrons apporter des solutions pérennes à la région.


Une lettre de Karis Muller à Saïd Ahmadi Raos , politicien mahorais

Marche à la mémoire des victimes en mer/© MIB
Marche à la mémoire des victimes en mer/© MIB

Monsieur le President,

Je suis associée au Centre d’Etudes européennes à l’Université nationale australienne, Canberra. Je termine un article sur Mayotte en tant que membre d’une équipe universitaire internationale basée à Copenhague. Nous travaillons chacun sur un « Outre-mer ». Après un an de recherches sur votre ile il me reste quelques lacunes ou questions, des contradictions apparentes aussi, qui me rendent perplexes. C’est pourquoi je vous serai bien reconnaissante si vous pouviez corriger mes erreurs éventuelles de perception ou de fait, svp. Il va sans dire que je vous remercierai officiellement dans mon texte si vous pouvez éclairer ma lanterne un peu.

Voici ce qui me tracasse encore.

1.Des Mahorais disent ne pas avoir été au courant des changements à venir après avril 2011/la Rupéisation. Pourtant le Préfet leur a écrit, (traduit en 3 langues), et il a tenu des réunions aussi, pour leur expliquer les enjeux… ?

2.Selon la police des frontières, un visa pour visiter Mayotte coûte très peu, est disponible à Anjouan maintenant, à Grande Comores aussi. Ainsi les Comoriens (sauf p.e. à Mohéli ?) n’ont pas besoin de payer une place de kwassa kwassa. Je voudrais donc savoir svp : ceux que veulent visiter Mayotte, pas y vivre, prennent-ils le ferry ? Car il me semble que le ferry coute env. € 80 aller-simple, env. 150€ aller-retour ? Tandis que le kwassa coute 150€ ou plus, aller simple. Conclusion, si je comprends bien : seul les immigrés potentiels (‘clandestins’) prennent le kwassa ? Sauf que s’il y a beaucoup de difficultés à prouver par ex. qu’une dame veut assister à un mariage familial, etc. ? Il est difficile de prouver qu’on n’est pas un immigré illégal potentiel ? dans ce cas, ne pouvant pas se déplacer légalement elle a recours au kwassa ?

3.J’ai lu des histoires selon lesquelles souvent un Mahorais est expulsé parce qu’il n’a pas ses papiers sur lui (pour ne pas parler de ceux, âgés, qui n’ont pas de papiers.) Mais la Police dit que jamais une personne n’est déportée sans qu’elle ait le temps d’aller chercher ses papiers… ?

4.Vu que le registre civil est défectueux, il y a beaucoup de Mahorais sans papiers, expulsés ; ces personnes peuvent-ils demander ensuite la compensation, car ils doivent ensuite payer le voyage de retour ? Et quid pour les dédommager, le stress causé etc. … car cela doit être illégal ?

5.Pourquoi cette absence de structures d’accueil à Anjouan pour assister les gens expulsés, (ce sont quelquefois des Mahorais) ? D’accord les Comores ne veulent rien faire parce que la frontière est illégale selon eux ; mais l’UE ? Les ONG ? Les groupes religieux ?

6.Les Comores dénoncent le colonialisme, mais dans ce cas pourquoi rester dans la zone euro ? Et, vu qu’ils sont dans la zone euro indirectement, comment se fait-il que les Comores soient si pauvres ? Car la raison pour laquelle les pays des 2 zones CFA y restent, au lieu de militer pour l’afro continental, c’est bien parce qu’une monnaie stable aiderait leur économie…

7.Les Français répètent que les Mahorais ne veulent pas réintégrer les Comores en partie parce que leur niveau de vie est entre 8 et 10 fois supérieur à celui des Comores. Je trouve cet argument faux ; les ‘clandestins ‘ doivent subir un rude choc, car d’une part le taux d’échange ne veut rien dire. D’autre part, le pouvoir d’achat n’est pas comparable. Je lis que les pauvres d’Anjouan vivent de 75 cents env. par jour, mais les touristes n’y voient pas des gens en train de mourir de faim. Au contraire leurs récits de voyage parlent de gens souriants etc. Tandis qu’à Mayotte les prix sont au moins 30% plus élevés qu’en Metropole, ainsi une type ayant par ex. 1 € par jour à Mayotte mourrait vite. Donc ils sont pauvres aussi, autant qu’à Anjouan etc. D’ailleurs les touristes disent que les Anjouanais, sans eau courante ni électricité etc., sont plus heureux que les Mahorais.

8.Pourtant, si cela était vrai, pourquoi tous ces candidats à la traversée vers Mayotte ? Parce qu’ils pensent que Mayotte c’est l’Eldorado ? Mais une fois un boulot décroché, ils y gagnent très peu, et vu les prix élevés, doivent vivre très chichement ? Dans ce cas, pourquoi ne disent-ils pas à leurs compatriotes, ne risquez pas ce voyage dangereux, cela ne vaut pas la peine ?

9.Les clandestins vivent dans des taudis, tous ensemble. Il me semble que la police ne fait pas de descente toutes les nuits pour les dénicher et les expulser ? Puisque tous savent où ils sont, et la population se plaint de ce que la police ne fait rien, ils n’ont qu’à bien faire leurs razzias pour satisfaire aux attentes des Mahorais ? Il y a donc collusion ?

Je vous remercie de votre aide, M le President, et vous prie d’excuser mon ignorance. Vous etes le premier politicien de Mayotte qui ne parle pas la langue de bois. Veuillez agréer, Monsieur le President, ma gratitude sincère,

Karis Muller, chercheuse.