Adjimaël HALIDI

Marche à la mémoire des milliers de victimes en mer

Marche à la mémoire des victimes en mer/© MIB

Dans l’après-midi de ce mercredi 23 février, plusieurs centaines de personnes ont marché dans les rues de Mamoudzou, capitale de l’île de Mayotte,   à la mémoire des milliers de noyés en mer. La marche qui a été organisée par la CIMADE Mayotte, le RESFIM (Réseau Éducation Sans Frontière Ile de Mayotte), FSU Mayotte (Fédération Syndicale Unitaire) et  de SUD Éducation Mayotte a débuté devant la MJC de Mamoudzou et a pris fin  au parvis du Comité de Tourisme avec la mise à l’eau d’un cercueil et un lancer de fleurs.

En plus de la dénonciation du silence qui a autour des noyés en mer, les manifestants exprimaient leur hargne vis-à-vis du Vice-rectorat et des policiers en brandissant des photos d’élèves expulsés du territoire mahorais. Et parmi les élèves sur les photos, il y en a un qui a perdu la vie en voulant retourner à Mayotte en kwassa-kwassa.

Depuis 1995 date à laquelle  le visa Balladur a été imposé aux Comoriens désirant se rendre à Mayotte le nombre de victimes en mer se compte par milliers. Et à Mayotte pour gonfler le chiffre des sans-papiers français expulsés en France les atteintes aux droits et aux lois sont flagrantes.

 


Documentaire « Archipel à reconstruire »

Un film de Stéphanie Lepage – Minute78 Production

Tourné aux Comores et à Mayotte au cours de l’été 2009

Diffusé en nov 2010 sur TV5 Monde et RTBF

Synopsis :

 

Niché en plein océan indien, l’archipel des Comores est une ancienne colonie française. En 1975, suite à un référendum d’autodétermination, l’ONU reconnait l’état comorien comme constitué des quatre îles. Mais dans les faits, seules trois d’entre elles prennent l’indépendance, alors que la quatrième, Mayotte, reste rattachée à la France. Futur département d’Outre-mer, l’île devient un véritable eldorado à seulement 80 km des côtes comoriennes.

En 95, le gouvernement Balladur instaure un visa préalable à toute traversée pour mettre un frein à l’immigration des comoriens vers Mayotte. Depuis lors, c’est sur des bateaux de pêche, surnommés kwassa-kwassa que les comoriens s’y rendent au péril de leur vie.

A l’arrivée, ils s’installent dans la précarité entre exploitation et vie cachée, par peur des rafles quotidiennes. En 2009, 19 972 comoriens ont été expulsés de Mayotte vers les Comores.

Pour 2010,  la France annonçait 25 000 expulsions. Des objectifs assignés qui seront probablement atteints alors que 12 321 reconduites à la frontière ont déjà été effectuées lors du premier semestre de cette année.

Tournés dans les 4 îles lunes, le film offre la parole aux migrants, passeurs, observateurs comoriens et mahorais,

…en questionnant leurs regards et expériences…



Poèmes de René JOOMUN

 

Iconi à la Grande-comore

1. L’éloignement

 Mon départ est le passeport
qui  ouvre la porte des lendemains ensoleillés
et je me rappelle de cette île parfumée du bonheur
où j’ai laissé ma raison  de vivre
où l’aube rose, pareil au visage d’une jeune fille
fait pleuvoir des corbeilles de caresses dorées
sur le corps vert de la nature.

Sous le ciel de l’éloignement
qui a amassé sur son bûcher
mes nouveaux tourments
mes yeux ont pu contempler
des fusées qui déchirent le ventre de la terre
Bateaux
points noirs qui s’effacent à l’horizon.
Paysages enchanteurs engloutis
dans l’abîme profond de la vitesse
Mers
qui séparent l’amour, l’amitié et la tendresse
Sœurs
qui se déchirent par des baisers d’adieu
et tout ce qui nous éloigne de nous deux

Percé sur l’arbre du temps
je me nourris des silences
et des souvenirs
Dans le jardin de mon attente
je cultive des fleurs tristes.
 

2. L’absente

Partout où je vais …
Tel mon nombre, ton souvenir me suit
De ton nom, ma mémoire est remplie

Ndzouwani à la Grande-comore
Ndzouwani à la Grande-comore

Et partout, je ne vois que ton visage
Malgré, cette mer, qui nous sépare
Chaque pas, chaque jour, me rapproche de toi.
…………………………………………… …..

Partout où je vais …
c’est en vain, que j’essaie de saisir
un murmure, un éclat de ta voix
Parmi les bruits du jour et ceux de la nuit
J’essaie même de voler au vent volage
Les baisers et les caresses qu’il te vole.
…………………………………………… …..

Partout où je vais …
Je voudrais être auprès de toi
Devenir tes sandales qui serrent tes jolis pieds
les soutiens qui enlacent délicieusement,
nuit et jour, tes seins tièdes et divins.
J’ai emporté avec moi, que le parfum marin de ton corps
D’albâtre pour encenser, nos souvenirs d’amour
et la prison de ma solitude.
…………………………………………… …..

Partout où je vais …
Mes pensées tel un vol de colombes
S’envolent vers ton ciel accueillant
Les souvenances des heures heureuses
Me montent à la tête comme un vin fort
Et me fait chavirer le  cœur
Et je repense à ce bonheur
Donc je connais les recoins de tous les vertiges
Et leurs élans de tendresse.
…………………………………………… …..

Partout où je vais …
Je suis dévoré par l’irrésistible désir de t’aimer
Pour vivre, j’ai besoin du parfum de Jasmins
qui embaume, s’étoile
Dans le ciel noir de ta chevelure
Et pour te voir –Ce soir même
Je voudrais être
Les étoiles.
 …………………………………… …..


A l’ombre des badamiers

 Avant que Facebook soit ouvert à tous, les internautes comoriens dont la plupart vivent en France  se donnaient rendez-vous sur des forums (sic) de Yahoo.fr tels que Habari ou Bangwe Comores et Karibangwe pour converser sur des sujets sociétaux. Sadani Tsindami, ancien membre de ces réseaux sociaux, nous parle de ces ancêtres de Facebook et Twitter.  
Qasuda à Moroni

No man’s land : Comment avez-vous connu la liste d’échange d’information et de discussion Habari Bangwe-Comores?  

Sadani Tsindami : Le Bangwe, comment je l’ai connu ? En cherchant des infos sur le net, je suis tombé sur un lien proposé par un compatriote ; c’était en 1999, à une époque où mes relations avec la communauté comorienne s’étaient fortement distendues.

 No man’s land : Et quels étaient les thèmes de discussions à l’époque ?

 Sadani Tsindami : J’ai commencé par participer mollement aux débats dont les thèmes fusaient dans tous les sens, sans organisation : le Bangwe (place publique villageoise) à la comorienne. Il y avait à l’époque des interventions de qualité, orientées politiquement contre les putschistes qui venaient de s’approprier les rênes de l’Etat : c’était Azali Assoumani. J’ai pris part à la curée, puisque c’était l’homme à noyer dans la salive, sans savoir exactement ce qui s’y passait. Il faut dire que j’avais cessé de jouer au football avec la naissance des enfants. Il fallait que je trouve un autre terrain de jeu… Celui-là me convenait, était facile, moi caché derrière un écran et massacrant les bits et autres octets, sans coup férir.

Puis un jour, ô sublime autre hasard, j’ai découvert la rubrique littérature de ce Bangwe Habari Comores : les écrits compilés, surtout les textes poétiques, des extraits dont généralement on en retient le meilleur m’avaient énervés. Par contre, la bibliographie assez exhaustive sur les Comores m’a poussé à choisir quelques textes, puis à en parler autour de moi, en asseyant de déceler quelque chose, un frisson véritablement littéraire. Je ne le rencontrai pas. Du coup, j’ai remis le couvert sur le Bangwe et faisais la critique de quelques uns, dans un sens assez provocateur. La réaction ne s’est pas fait attendre : je me suis fait admonester sans dégâts. Dans cette arène, j’étais le toréador avec mon chiffon rouge et Dieu sait que des cornes ne se furent-elles pas acérées. On m’accusa de tout. On vérola mon ordinateur. On parla de ma famille alors que j’ai toujours écrit sous pseudo …

No man’s land : Quels impacts les forums ont eu  sur la société comorienne ?

 Sadani Tsindami : Bangwe Habari Comores, Karibangwe, m’ont sorti d’une sorte d’exil involontaire, travaillant dans le massif central et vivant de le Sud-ouest. Premier intérêt et non des moindres ; puis les joutes pluriformes ont quelquefois influencé parait-il des comportements « républicains » au bled. Personnellement, j’ai été surpris de lire mes opinions dans des journaux à Moroni. Le débat sur le Anda (grand mariage à Ngazidja), si je ne me trompe a été assez riche, foisonnant d’éclairage et a observé une certaine constance dans la durée et dans l’émergence des arguments des uns et des autres. Ces débats ont été constructifs dans l’émergence d’une nouvelle citoyenneté cybernétique : la reconnaissance des maux du pays que d’aucuns ne voulaient en entendre parler, soi-disant que chaque pays avaient ses tares et les nôtres devaient rester cachées. Puis il y eut le débat sur la littérature comorienne où des auteurs de talent comme Salim Hatubou avaient pris part, ce qui a mobilisé pas mal d’intervention, somme toute honorables et a permis la sortie de quelques textes d’excellence. Bien sûr il vit apparaitre aussi des bavardages d’un ennui à vouloir massacrer leurs auteurs, poètes à rimes doigtées, asthmatiques et éjaculateurs précoces sur des parchemins innocents. Je ne citerai pas de noms, mais bon, on ne canalise pas l’imaginaire avec des panneaux de signalisation comme on n’invente rien si dans la tête, il n’y a que de la flotte. Les poètes, écrivains opportunistes, atteints d’ hydrocéphalie  ont fini par avoir la grosse tête : je les ai mouchés avec «  Pour une poésie qui n’ose pas dire son Non » et j’ai retiré mon pied de l’arène. Et il paraît que les Bangwe virtuel sont moribonds, de toute façon, je vis dans un bled sans électricité et je n’ai plus d’ordinateur. Mon Bangwe a cessé d’être virtuel, il est désormais sous l’ombre des badamiers.